Au risque de vous surprendre, j’aime beaucoup effectuer mes recherches pour cette chronique avant même le jour de la course et Assen ne faisait pas exception. Francesco Bagnaia (Ducati Lenovo Team) est finalement venu me sauver en signant une véritable masterclass. Pas étonnant que ce tracé de cette Cathédrale soit tatoué sur son bras droit. Il a mené les 73 derniers tours de course, a inscrit sa sixième victoire en terres néerlandaises, sa troisième consécutive. Le dernier à y être parvenu ici-même n’était autre que Mick Dohhan, vainqueur des éditions 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998.
Tout semblait d’une facilité déconcertante… Il y a 50 ans, le Che-Guevara des Grands Prix faisait ses débuts à Assen. Kenny Roberts débarquait en effet en Europe et dès lors, sa vie ne serait plus jamais la même. Avec son jeune compatriote Joe Roberts (Only Fans American Racing Team), victorieux au Mugello et actuellement deuxième du mondial Moto2™, l’occasion était parfaite pour faire le lien entre passé et futur. Le moment est venu de repropulser les Américains sur le devant de la scène et avec un nom pareil, comment serait-il possible d’échouer ?
Ce week-end-là, Kenny Roberts s’octroyait la pole, chutait en course ; ce qui ne l’empêchait pas de grimper sur la troisième marche du podium. Le reste appartient à l’histoire : il était tellement passionné par la compétition. Il a ouvert la voie aussi bien en dehors que sur la piste, avec un style bien à lui, tout en glisse, inspiré du dirt-track. Du jamais vu chez nous ! Et au grand dam d’habitués comme Barry Sheene, Kenny Roberts remportera trois titres consécutifs en 500cc pour le compte de Yamaha… En réalité, tout ne faisait que commencer. Parallèlement, il n’avait pas hésité à monter au créneau vis-à-vis des organisateurs et promoteurs sur les questions de sécurité. Avec le journaliste Barry Coleman, ils iront jusqu’à menacer, avec le soutien d’autres pilotes, de créer une World Series indépendante en 1980, qui ne verra au bout du compte jamais le jour. Mais son engagement aura largement permis d’améliorer les conditions en piste.
Kenny allait ainsi en inspirer plein d’autres à traverser l’Atlantique : de Freddie Spencer, à Eddie Lawson, en passant par Wayne Rainey, Kevin Schwantz ou encore son propre fils Kenny Roberts Jr… Il faut dire qu’ils adoraient ces 500cc deu temps. C’était l’âge d’or de l’Amérique. Mais peu à peu ces derniers allaient disparaître des radars. Nicky Hayden sera le dernier Champion issu de ce pays en 2006, Ben Spies le dernier vainqueur dans la cour des grands en 2011. Incroyablement, plus aucun Américain ne figurera sur une des trois grilles durant un certain temps. Mais l’espoir aura fini par renaître avec Joe Roberts. Ses trois podiums et cette victoire obtenue au Mugello lui permettent d’occuper le deuxième rang du classement provisoire. Et une opportunité pourrait bientôt se présenter pour lui en MotoGP™. Sauf que le Californien s’est cassé la clavicule vendredi au cours de la deuixième séance. Le n°16 espère cela dit vivement revenir dès le Sachsenring.
Il m’a fallu donc me rabattre sur un autre sujet. Et en voyant la suprématie de Francesco Bagnaia en Tissot Sprint, j’ai eu un déclic.
L’après-midi même, l’Italie affrontait la Suisse en huitièmes de finale à l’Euro. Justement au Mugello, le Ducati Lenovo Team avait étrenné une livrée spéciale en soutien à ses Azzurri. Mais quand on voit la défense du titre par l’équipe de football et par le clan de Pecco… Deux heures plus tard, les Champions du Monde rentraient bredouille avec une défaite 2-0 face aux helvètes.
Alors oui Pecco, ton génie t’a sauvé la mise ce dimanche. Pour le Sachsenring, j’ai bien quelques idées, mais je préfère les garder pour moi.